Le jour de la rencontre avec le Sheik arriva finalement...
Il était prêt... prêt à lui afficher ce respect de l’homme reconnaissant... et prêt à lui avouer la raison de sa présence ici.
Il se souvenait comme si c’était la veille, de son entrée dans cette tente impériale dressée sur la Terre de ses ancêtres... c’était comme si on entrait dans un autre monde dès qu’on avait passé les lourdes tanneries qui en bloquait l’entrée... Son regard s’attardait sur cet espace imposant qui constituait la tente d’un Sheik Taharien... Tout n’était que luxe... dorures... vaisselle clinquante et couleurs criardes... le sol était jonché de tapis superposés pour en assurer le confort... tuant toute l’humidité qui envahissait les Terres du Nord. Le feu crépitait au centre de l’espace dans une ouverture amenant la fumée au sommet de la tente, chauffant l’espace avec une efficacité dont ses ancêtres devraient prendre exemple. Il observait cet homme presque perdu au milieu de tout ce luxe et dont la présence semblait pourtant évidente.
L’homme se levant révélait un physique étonnant, une stature nerveuse et allongée sur une tenue noire propre aux hommes du désert. Le front haut accentuait le regard sombre et perçant qu’il posait sur lui. Sa joue était marquée d’un symbole dont il ignorait la signification, encre tatouée noire sur une peau tannée parle soleil. Les yeux brillants de curiosité le sondaient... le jugeaient... semblaient à cet instant faire son procès et décider de son avenir. Les armes alignées le long de son flanc étaient d’une modestie surprenante pour un Sheik, le sabre portait l’emblème de celui qu’il avait emprunté à un des morts Tashid... et la lame affûtée était d’une flagrante efficacité... rien à voir avec le luxe d’une arme de décoration.
Se mettre face à lui révélera une taille presque égale... chose surprenante pour un Torvi qui avait toujours eu l’habitude de dominer d’au moins une tête ses interlocuteurs. Les épaules moins larges n’en étaient pas pour autant pourvues de force il le sentit quand l’homme vint à lui pour lui étreindre les épaules en signe de bienvenue. Le salut Torvi fut énoncé avec un accent fort du Sud... comme s ils Sheik Sayed cherchait à établir le contact... Drakkon lui répondra avec sourire un « Nidan... » qui lui rendait la politesse dans sa langue Tashid... il n’était pas trop sûr de ce que ça voulait dire... mais il avait entendu plusieurs bêtes à collier l’énoncer. Un sourire étirait leurs traits dans une complicité immédiate, un éclat de rire amusé unissant aussitôt les deux hommes devant la timidité inutile de leur salut et la bourde de langage du Torvi. Le Sheik ne releva pas le vocabulaire maladroit d’esclave que venait de prononcer son hôte... il saurait lui rappeler tout au long de leur amitié naissante comme un « dossier » moqueur qu’on garde jusqu’à la mort que le Nidan était réservé aux bêtes à collier.
L’homme débuta l’entretien par un « Je sais qui tu es... » qui annonçait immédiatement l’ambiance de la rencontre... il lui parla de son enquête pour connaître la raison de sa présence parmi les morts... de sa surprise en voyant la blessure causée d’après les soigneurs par le tranchant d’une hache. Aucun de ses hommes du Sud ne portait ce type d’armes.. les hommes du Tahari appréciaient la finesse du coupant du Scimitar ou du Glaive.. parfois de l’épée et appréciaient tuer leur ennemi d’un enfoncement progressif de la lame dans le corps. Ce type d’impact grossier et puissant n’avait pas la prestance de leur mise à mort.
La révélation n’était pas une surprise... le Torvi resta étonnamment placide ,comme résigné devant la trahison de ses anciens frères. Il était dans cette situation délicate où il devait choisir de retourner à son peuple sagement en pardonnant... ou de réclamer vengeance et considérer ces hommes avec qui il avait grandi comme des ennemis.
Le temps lui apporta la réponse... les Tahariens surveillaient de très près leurs ennemis... il apprirent ainsi que le Haut Jarl était mort bêtement et bizarrement... Nul ne savait comment un guerrier tel que ce Torvi renommé avait pu décider d’aller chasser seul... uniquement muni de son arc et de quelques carreaux pour taquiner la dangerosité de la faune du Thorvaldsland... suicidaire ou tout simplement mis en scène... L’homme qui avait hérité du statut de Haut Jarl n’était autre que le bras droit de feu son père... ce traître qui montrait son vrai visage dans un opportunisme navrant de déshonneur.
Drakkon savait désormais que plus rien ne le rattacherait à ceux qui l’avaient vu grandir... L’hiver approchant fit se replier les hommes du Désert, chacun retourna dans ses Terres pour y retrouver son foyer ou leur camp nomade...
Dans les caravanes les ramenant vers le Sud... se trouvait désormais un Torvi... un homme pris sous la protection du Sheik des Tashids qui avait décidé de l’accueillir dans une de ses cités et de lui faire découvrir « Son » Monde.